lundi 6 juillet 2009

Un récit de voyage - 4 - Rain Season

"Like water falling from the mango trees"

Cette pluie fine et tiède que Nam distingue joliment des grosses averses de mousson. Elle rafraîchit le corps, mais apesantit l'esprit. Elle n'a pas le pouvoir tonitruant de l'orage. Elle n'assèche pas les nuages. Elle ne dégage pas le ciel. Elle se contente de sa mélancolie.

Elle poursuit de son intermittence le long fleuve de ce voyage. Elle accompagne les changements d'humeur, les doutes, les appréhensions. Elle se retire avec les joies, les émerveillements et les découvertes.

Un voyage ne se compare pas à une route, ni même à une rivière. Il est une succession de rochers affleurant l'eau du fleuve, plus ou moins pratiquables, plus ou moins accueillants, plus ou moins rapprochés les uns des autres.

Des moments choisis, attendus, ou qui surgissent de la surface des choses.

samedi 4 juillet 2009

Un récit de voyage - 3 - Identity

Don Det, fin août 2008

Falang-Falang est mon nouveau nom. Depuis que je voyage seule, c'est ainsi et seulement ainsi que l'on m'appelle. L'étrangère. La blanche. Qui suscite la curiosité, la fascination, l'envie, le tout probablement teinté d'un peu de mépris.

Pour me réveiller de ma torpeur au fond d'un bus entre nulle part et Pakse, pour m'inviter à un cafélao trop tôt, bien trop tôt dans la gare routière "mudcake" Sud de la même ville, pour m'interpeller à chaque coin de guesthouse. Pour parler de moi aussi.
Cela rend légèrement paranoïaque de ne saisir que ce mot dans les conversations qui bourdonnent autour de moi.

Et la Grue Falang reste droite, avec son sourire figé qu'elle distribue autour d'elle en espérant qu'il saura l'entourer de toute la bienveillance qu'elle aimerait provoquer.

Un récit de voyage - 2 - Gulliver

Vientiane - 25 août 2008

Ce qui marque, c'est l'impression d'une impossible familiarité - avec la nature, avec les gens, avec les règles de conduite, avec les odeurs . J'erre dans une ville que je pensais connue, mais chaque pas m'enjoint à retrouver mon humilité. On me dévisage, ou pire, on me parle. Mon seul moyen de communiquer, d'exister autrement que sous la forme d'un fantôme blanc qui vagabonde, hors des activités quotidiennes, inutile et dé-rangé, est un maigre sourire gêné. Ou encore des gestes de mes mains, peu habituées à mimer les choses de la vie quotidienne.

Mon corps me gêne : trop grand, trop fort, trop clair, et probablement trop dénudé, il prend trop de place, il est trop visible. La sueur qui me baigne dès que j'arrête de pédaler est source de honte, la preuve irréfutable de mon inadaptation à cet environnement.


mercredi 1 juillet 2009

Un récit de voyage - 1- Airports

Notes prises lors du voyage en solitaire de l'été dernier. Laos, août 2008.

Roissy est toujours sous sa chappe nuageuse. Il ressemble à une chaîne ganglionnaire salement infectée, et l'on passe d'un nodule douloureux à un autre en empruntant des tubes qu'une volonté perverse a souhaités recouverts de crépi.
Roissy, ce cancer de Paris dont je m'évade aujourd'hui.

J'ai toujours tendance à penser que le voyage commence véritablement à partir du moment où l'on arrive à destination, où l'on foule le sol désiré, où l'on quitte la drôle de parenthèse du transport.
Prendre l'avion n'est pas voyager. On ne traverse pas de territoire en avion, on survole le (Tiers) Monde avec une légèreté obscène, doucement bercé par les roulis des nuages, constamment gavé de sucreries par des hôtesses qui chassent vos phobies d'un sourire.

L'écran indique que l'avion se trouve juste au-dessus de Kaboul.

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Eclair sur Calcutta
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Et pourtant, le voyage me gagne déjà. Je me laisse aller à rêvasser, à fantasmer, à appréhender, et même déjà à avoir le mal du pays. Par "pays" j'entends Pierre.

Première rencontre plaisante, sans arrière-goût métallique de conversation forcée. Première invitation à la découverte, sur le plateau des Boloven.

Et puis déjà Bangkok, à l'aube, dans l'aéroport presque désert. Je suis un fantôme vaseux, une affreuse boule de Slime qui glisse dans les immenses couloirs, sous les voûtes célestes, de série de boutiques désertes en série de boutiques identiques.

L'ennui prend une toute autre profondeur lorsqu'il est volontaire.